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Espace Européen des Données de Santé (EEDS) : Ce que prévoit le Règlement UE 2025/327

RGPDFebruary 28, 2025

Le Règlement (UE) 2025/327, adopté par le Parlement européen et le Conseil le 11 février 2025, marque un tournant historique dans la gouvernance numérique de la santé en Europe. Il institue un cadre commun pour l’Espace européen des données de santé (EEDS), avec pour objectifs de renforcer les droits des citoyens sur leurs données de santé, de favoriser l’accès transfrontalier aux soins, d’accélérer la recherche médicale, et de déployer une gouvernance numérique européenne robuste.

Objectifs du règlement

L’EEDS repose sur plusieurs piliers essentiels :

1. Renforcer les droits des personnes concernées sur leurs données de santé

Les citoyens européens disposeront de droits harmonisés leur garantissant notamment un accès à leur dossier médical et à leurs données de santé. Ces droits complètent et renforcent ceux déjà prévus par le Règlement général sur la protection des données (RGPD).

2. Harmoniser les règles de partage des données de santé au niveau européen pour le soin transfrontalier

Le règlement facilite le partage des données médicales entre professionnels de santé de différents États membres grâce à une infrastructure européenne – MaSanté@UE – permettant une prise en charge optimale des patients partout en Europe.

3. Harmonisation des dossiers médicaux électroniques (DME)

Les systèmes de gestion des DME devront respecter des formats communs pour assurer leur interopérabilité. Un marquage CE spécifique sera instauré pour certifier que les logiciels de gestion des dossiers médicaux respectent ces normes européennes.

4. Faciliter la réutilisation des données de santé anonymisées ou pseudonymisées

Le règlement prévoit une réutilisation encadrée et harmonisée au niveau de l’UE, avec l’obligation pour tous les organismes détenant des données de santé électronique de les mettre à disposition pour une utilisation secondaire, sous certaines conditions.

5. Un cadre européen de gouvernance du numérique en santé renforcé

Chaque État membre devra désigner une autorité de santé numérique et une autorité de surveillance des marchés pour garantir la bonne application du règlement.

Contexte et Justification

La crise sanitaire liée à la COVID-19 a révélé les limites des systèmes actuels de gestion des données de santé. Un accès plus rapide à des données fiables aurait permis une réponse plus efficace aux pandémies et autres menaces sanitaires. Ce règlement vient donc répondre à un besoin impératif de modernisation et de structuration à l’échelle européenne.

Mesures concrètes prévues

1. Accès et contrôle renforcés pour les citoyens

Les citoyens bénéficieront d’un accès direct, gratuit et immédiat à leurs données de santé via une infrastructure européenne sécurisée nommée MaSanté@UE. Ils pourront :

  • Consulter et télécharger leurs données.

  • Corriger les erreurs.

  • Contrôler qui accède à quoi, et quand.

Exemple : une patiente française hospitalisée en Italie pourra autoriser les médecins locaux à accéder à son dossier médical depuis l’Italie.

2. Dossiers médicaux interopérables

Le règlement impose des formats standards pour les dossiers médicaux électroniques (DME). Les logiciels devront obtenir un marquage CE spécifique, attestant de leur conformité aux exigences techniques et de sécurité européennes.

Exemple : un centre hospitalier allemand pourra partager un DME lisible et exploitable par une clinique espagnole.

3. Réutilisation des données à des fins de recherche

Les organismes publics et privés détenant des données de santé devront les mettre à disposition (de manière anonymisée ou pseudonymisée) pour des finalités telles que :

  • La recherche médicale et l’innovation.

  • Les politiques de santé publique.

  • Les statistiques officielles.

  • L’anticipation des pandémies.

L’accès sera strictement réglementé, avec interdiction formelle d’utilisation à des fins commerciales, d’assurance ou de ressources humaines.

Exemple concret : Un institut de recherche souhaitant étudier les facteurs de risque du diabète pourra accéder à des bases de données anonymisées provenant de plusieurs pays européens.

Si vous souhaitez en savoir plus sur ces sujets, vous pouvez consulter les articles que nous avons rédigés sur l’anonymisation et la pseudonymisation des données.

4. Gouvernance européenne et nationale

Chaque État membre devra :

  • Désigner une Autorité de santé numérique pour superviser l’accès primaire (soins).

  • Désigner un Organisme d’accès aux données de santé pour encadrer les usages secondaires (recherche).

  • Mettre en place un guichet unique national connecté à l’infrastructure européenne.

Exemple concret : Si un hôpital ne respecte pas les règles de partage des données, l’autorité nationale pourra intervenir pour sanctionner l’établissement.

5. Cybersécurité et transparence

Toutes les données circulant dans l’EEDS devront être chiffrées et protégées contre les cyberattaques.

  • Des règles spécifiques de pseudonymisation seront appliquées pour l’exploitation des données dans un cadre de recherche.

  • Un mécanisme de contrôle et de transparence garantira que les citoyens peuvent voir et gérer qui accède à leurs données.

Exemple concret : Un patient pourra vérifier, via un portail en ligne, quels professionnels de santé ont consulté son dossier et à quelle date.

Calendrier de mise en œuvre

  • 2025-2026 : Entrée en vigueur progressive.

  • 2027-2028 : Mise en place des systèmes nationaux.

  • 2029 : Échanges transfrontaliers totalement opérationnels.

Exemple : d’ici 2028, un hôpital belge pourra recevoir instantanément le dossier d’un patient venant de France.

Enjeux et défis

Malgré ses ambitions, le règlement devra surmonter plusieurs obstacles :

  • La réticence de certains professionnels de santé à partager les données.

  • Les disparités technologiques entre États membres.

  • L’acceptabilité sociale autour de la réutilisation des données, même anonymisées.

Le Règlement (UE) 2025/327 marque une transformation profonde de la gestion des données de santé en Europe. En renforçant les droits des citoyens, en sécurisant les échanges et en facilitant l’innovation, l’Union européenne affirme sa volonté de devenir un leader mondial de la santé numérique. Reste à relever le défi de l’implémentation concrète et de l’adoption par l’ensemble des acteurs du secteur.

Benjamin BarattaWitik - Expert RGPD & CSM